[Observatoire du Couple WeBloom IFOP] Quel est l’impact de la crise du Covid-19 sur les couples ?

Claire Fradet Aubignat

Claire Fradet Aubignat

Cofondatrice de WeBloom

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Les couples se trouvent-ils renforcés ou affaiblis par la crise du Covid-19 ? Quelles sont les recettes de ceux qui en sont sortis par le haut ?

Alors que les experts de l’INED prévoient une « hausse des divorces dans les prochaines années » (Libération, 18 juillet 2021), nous avons mis en place avec le pôle « Genre, sexualités et santé sexuelle » de l’Ifop l’Observatoire du Couple, enquête tentant d’évaluer l’ampleur des conséquences de la crise du Covid-19 sur les couples.

Dans ce premier volet des résultats d’enquête, nous décryptons les conséquences négatives sur les couples : les ruptures conjugales à venir, l’évolution des itinéraires conjugaux depuis le premier confinement et leurs raisons.

Réalisée auprès d’un échantillon national représentatif de taille conséquente (3 000 personnes âgées de 18 à 69 ans), cette étude montre que derrière la relative stabilité de la situation conjugale des Français observée depuis mars 2020, on observe un attentisme qui laisse augurer une hausse notable des désunions dès la fin de crise du Covid-19.

Cet article reprend les éléments principaux du communiqué de presse et du rapport complet.

La crise du Covid a ébranlé nombre de relations de couple

Une personne sur quatre en couple (27%) admet avoir eu envie de rompre avec son conjoint au cours des périodes de confinement et/ou couvre-feux successifs imposés depuis mars 2020.

Cette tentation a affecté certaines catégories en particulier :

les jeunes, spécifiquement les hommes de moins de 30 ans : ils sont un sur deux (50%) à avoir eu l’intention de rompre avec leur partenaire depuis le début de la crise du COVID-19. Cette proportion est près de 20 points supérieure à celle des femmes de moins de 30 ans (31%), ce qui démontre un plus grand attachement des femmes de cet âge-là à leur stabilité conjugale.

les plus précaires économiquement ou financièrement (46% des hommes ayant un revenu mensuel net par individu inférieur à 900 €, contre 21% chez ceux gagnant plus de 2500 €, et 35% des ouvrières, contre à peine 23% des cadres). Sans surprise, l’aisance matérielle semble faciliter l’entente conjugale, tandis que la précarité financière contribue à faire exploser les réalités les moins dorées.

les Français des grandes métropoles qui, comme ceux de l’agglomération parisienne (32%), vivent généralement dans des logements plus exigus qu’en milieu rural (24%). Il s’agit aussi des Français qui vivent dans les régions offrant le plus de facilité à faire de nouvelles rencontres amoureuses.

Ifop WeBloom Observatoire du couple Volonté de se séparer Covid-19

Le manque de communication est le facteur négatif le plus cité chez les couples fragilisés par la crise du Covid-19, particulièrement chez les femmes

Si la dégradation d’une relation de couple est généralement un phénomène multi-causal, force est de constater que certains facteurs ont contribué plus que d’autres à la fragilisation des relations vécue depuis le premier confinement, et que leur impact s’avère très genré.

La gent féminine souffre plus du manque de communication avec leur partenaire que les hommes : 70% des femmes ayant eu l’intention de rompre citent ce facteur comme contribuant négativement à leur relation, soit 4 points de plus que les hommes (66%). Cela tend à démontrer que la promiscuité imposée par les confinements n’a pas toujours pour effet de rapprocher les partenaires, mais peut au contraire remettre en question leur équilibre.

En deuxième place des facteurs ayant contribué le plus négativement à la qualité des relations de couple pendant les confinements successifs arrive la sexualité, surtout chez les hommes  (cité par 67% vs 64% des femmes). On voit ici aussi que proximité ne veut pas dire intimité, et pour beaucoup, le fait d’être confinés ne semble pas avoir eu d’effet aphrodisiaque.

Près de six français sur dix ayant eu l’intention de rompre (59%) citent le stress lié au travail comme un facteur qui a détérioré leur relation de couple ces derniers mois. Le télétravail, les changements d’organisation et l’incertitude pesant sur la situation professionnelle de nombreux Français pendant les crises successives liées au COVID-19 ont mis de nombreux couples à l’épreuve. Cet impact du stress au travail n’a pu être que renforcé par l’effacement de la “frontière” entre vie professionnelle et vie conjugale amenée par les confinements. L’équilibre des “couples-parents” a également été mis à mal par les confinements successifs.

Plus de la moitié des couples avec enfants ayant eu l’intention de rompre  (53%) invoquent le fait d’avoir des enfants comme ayant contribué négativement à leur relation. La présence des enfants au domicile en continu, l’école à la maison, et la multiplication des tâches parentales et domestiques qui en découlent ont exacerbé la pression sur les couples vivant avec leur progéniture, et eu un impact déterminant sur leur bien-être.

Ifop WeBloom Observatoire du couple Facteurs négatifs

Dans le contexte de crise, la tendance a toutefois été plutôt à la stabilité conjugale, sauf chez les jeunes

Si l’envie de rompre a traversé l’esprit de nombre de couples au cours des confinements et couvre-feux successifs, ils sont loin d’être tous passés à l’acte. 

On observe une grande stabilité des itinéraires conjugaux des Français entre le début du premier confinement (17 mars 2020) et la fin du troisième (19 mai 2021) : 89% des individus âgés de 18 à 69 ans ont exactement la même situation conjugale qu’avant le premier confinement. 

Cependant, dans les jeunes générations, les unions ont été beaucoup plus souvent rompues ou renouvelées : 20% des jeunes de moins de 25 ans n’ont plus la même situation conjugale qu’en mars 2020, dont 7% qui sont désormais seuls alors qu’ils étaient en couple, 7% qui se sont mis en couple alors qu’ils étaient seuls et 6% qui ont un partenaire différent qu’avant le premier « lockdown ». 

L’impact de la crise du Covid sur le couple revêt également une dimension sociale, la vie conjugale des hommes chômeurs ayant été particulièrement impactée. Ils sont 18% à avoir changé de situation conjugale depuis le 1er confinement, dont 13% à avoir vécu une séparation. Plus frappant encore, 50% des hommes chômeurs sont seuls à la sortie du troisième confinement et l’étaient déjà avant le premier confinement, contre 28% de la population française. Quand la précarité professionnelle s’ajoute à la distanciation sociale, l’impact est lourd sur la capacité à faire des rencontres amoureuses.

Ifop WeBloom Observatoire du couple Itinéraires Conjuguaux

Les ruptures et divorces sont reportés à l’après-crise sanitaire

Si cette envie de rompre semble pour beaucoup être restée au stade de l’intention, un certain nombre de personnes en couple n’en exprime pas moins le souhait de passer à l’acte une fois la crise sanitaire passée : 12% des de personnes en couple souhaitent prendre leurs distances avec leur partenaire à l’issue de la crise, dont 4% de manière définitive. 

Le genre et l’âge occupent une place prépondérante dans la volonté de mettre un terme à sa relation : 14% des hommes déclarent vouloir prendre leurs distances, contre seulement 10% de femmes. Les hommes sont donc largement plus enclins à faire leurs valises, en particulier les hommes jeunes (23% des moins de 30 ans).

Si l’on procède à une extrapolation de ce pourcentage sur la base des 28 millions de personnes âgées de 18 à 69 ans actuellement en couple (RP2018), ce risque de rupture concernerait au minimum 1 million de couples.

Mais il n’affecte pas toutes les tranches de la population de la même façon…

Très logiquement, l’envie de rompre émane surtout des personnes dont la relation a été affectée le plus négativement par les confinements, à savoir les jeunes de moins de 30 ans – notamment les hommes (23%) – les habitants des grandes agglomérations (16% des habitants en agglomération parisienne) et les personnes aux revenus les plus modestes (ex : 26% des hommes ayant un revenu mensuel net par individu inférieur à 900 €).

Ifop WeBloom Observatoire du couple Séparation post Covid-19

Les personnes se sentant « physiquement » avantagées sur le marché de la rencontre sont les plus décidées à se séparer

L’analyse détaillée des résultats de l’étude met aussi en lumière l’importance du capital physico-esthétique dans la tentation d’un retour au célibat, signe que la capacité à séduire d’autres potentiels partenaires est un critère déterminant dans la volonté de revenir sur le marché matrimonial ou sexuel. 

En effet, l’envie de rompre après la crise s’avère particulièrement forte (30%) chez les hommes et les femmes se trouvant très beaux/belles (contre à 13% des personnes ne se trouvant pas belles).

De même, la proportion d’hommes voulant prendre leurs distances avec leur partenaire actuel à l’issue de la crise liée au COVID est plus forte chez ceux affichant une corpulence correspondant aux normes esthétiques dominantes : 26% chez ceux ayant un indice de masse corporelle inférieur à la normale, contre 14% en moyenne dans la gent masculine.

Le point de vue de François Kraus, directeur du pôle « Genre, sexualités et santé sexuelle » de l’Ifop

La relative stabilité des itinéraires conjugaux observée depuis mars 2020 ne doit pas occulter l’impact négatif que les confinements ou couvre-feux successifs ont pu avoir sur la vie de couple des Français, en particulier des plus jeunes qui, pour beaucoup, ont vécu leur première expérience de vie conjugale constante et intense. 

Pour nombre de Français, les conditions de vie imposées par la crise sanitaire – notamment la forte promiscuité ou la présence constante du partenaire – ont en effet accentué les difficultés préexistantes, faisant de ces huis clos une véritable épreuve pour leur couple au point d’envisager de rompre avec leur conjoint. 

L’absence de passage à l’acte est symptomatique d’un certain attentisme, somme toute classique en période de crise (ex : guerre, crise économique), qui tient sans doute à la crainte de la solitude – notamment dans les conditions d’isolement et de rencontre imposées par le Covid-19 – mais aussi à des raisons pratiques (ex : logement, école des enfants…) et financières : une séparation, qu’il s’agisse d’un divorce, d’une rupture de Pacs ou d’une rupture d’union libre, se traduisant généralement par une baisse du niveau de vie pour les ex-conjoints.

Ainsi, s’il s’avère hasardeux de pronostiquer un « divorce boom » à l’issue immédiate de la crise, il est probable qu’on assiste alors à une hausse significative des désunions lorsque le contexte sanitaire et économique rendra plus facile les ruptures conjugales.

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